Aujourd’hui deuxième dimanche de l’Avent, la liturgie fais résonner dans nos célébrations la voix du prophète Isaïe et celle de Jean Baptiste. La voix joyeuse d’Isaïe qui a un message d’espérance et de consolation pour son peuple : « Consolez, consolez mon peuple, parlez au cœur de Jérusalem » ! Et la voix certes plus forte et qui bouscule de Jean Baptise, mais qui est aussi porteuse d’une bonne nouvelle comme nous le rappellent bien les premiers mots de l’évangile de St. Marc : « Commencement de la bonne nouvelle de Jésus, Christ, fils de Dieu ».
Le passage du prophète Isaïe fait partie de ce qu’on appelle « le livre de la consolation », car sa parole annonce aux Israelites en exil à Babylone la fin de cette triste et douloureuse expérience. L’exil a été pour les juifs une épreuve très dure, perçu comme la conséquence de leur infidélité aux commandements de Dieu et de l’idolâtrie dans laquelle ils ont versé. Perçu comme une punition de Dieu, l’exil a été l’occasion de retrouver le chemin de Dieu et de ses lois. Et surtout, il a été l’opportunité pour une expérience renouvelée de la fidélité de Dieu à ses promesses et à ses engagements. À l’échelle de leur histoire la colère de Dieu n’est qu’un instant, sa fidélité par contre est pour toujours. Et c’est justement cette fidélité de Dieu qui permet au prophète d’annoncer que pour les exilés « Le service est accompli, leur crime est expié, qu’ils ont reçu de la main du Seigneur le double pour toutes leur fautes ». Et Dieu, non seulement a mis fin à sa colère, mais lui-même revient vers son peuple, il lui fera vivre un nouvel exode, une nouvelle libération. Le spectacle des somptueuses processions et cortèges qui se déroulaient à Babylone ont certainement inspiré le prophète, qui invite à préparer des belles routes, dégagées de tout obstacle, pour que le Seigneur, leur Dieu puisse revenir vers son peuple dans toute sa gloire et toute sa puissance : « Dans le désert préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu… Il vient avec puissance ; comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur ». Comme déjà dimanche passé, plus que la conversion du peuple, le prophète célèbre « la conversion de Dieu », qui renonce au châtiment pour revenir à son amour, il revient apporter consolation, paix et liberté à son peuple. C’est alors un nouveau départ, une nouvelle vie, une relation renouvelée qui commence entre lui et son peuple ! Un Dieu dont la puissance se manifeste dans la tendresse et l’amour d’un berger vers ses brebis et ses agneaux ! Comme le berger avec ses agneaux, Dieu porte son peuple sur son cœur…
Saint Marc aussi nous annonce une bonne nouvelle : cette bonne nouvelle est Jésus le fils de Dieu, annoncé par la voix de Jean Baptiste. La voix de Jean que l’évangéliste met en relation avec la prophétie d’Isaïe, appelle à la conversion de ses contemporains, pour la même raison : « Il vient celui qui est plus fort que moi… celui qui baptisera dans l’Esprit Saint ». Il est donc urgent de se convertir, de revenir aux droits chemins de la Parole de Dieu. Jean Baptiste propose à ceux qui viennent se faire baptiser de vivre de manière symbolique mais authentique, la même expérience des exilés. Pour aller à l’endroit où il se trouve il faut sortir de la Judée, il faut sortir de Jérusalem, sortir du pays que Dieu a donné à leurs pères… il faut partir en exil, pour prendre conscience de leurs infidélités, de leurs péchés, et surtout pour ressentir et rallumer dans leur cœur la nostalgie et le désir de cette terre ; le désir de Dieu qui leur avait donné cette terre. Avec la démarche du baptême ils exprimaient ainsi leur volonté, en rentrant chez eux, en revenant de cet exil symbolique, de remettre au centre de leur vie Dieu, sa parole avec ses commandements et ses lois ! Même si Jean a une perspective différente de celle d’Isaïe, elle conduit vers le même objectif. Un nouveau départ, une vie renouvelée profondément, un retour à Dieu qui s’exprime avec une attention plus vive pour savoir reconnaître celui qui à son tour revient à son peuple, « celui qui vient baptiser dans l’Esprit Saint ».
Maintenant il faut voir quel éclairage cette parole apporte à la situation que je vis aujourd’hui, car on le dit toujours la Parole de Dieu n’est pas pour nous rappeler simplement des choses qui se sont passée il y a bien longtemps, elle est pour l’aujourd’hui de ma vie.
Du point de vue spirituel, les israélites, d’une situation très douloureuse et dramatique (aucun exil, du point de vue humain, n’est une belle expérience) ont su tirer un grand bénéfice… Alors, n’aurions pas, nous aussi, besoin d’un exil (symbolique, bien sûr…) ? Est-ce que la pandémie qui encore sévit et qui encore perturbe nos habitudes, qui avec les deux confinements nous a empêché de vivre notre foi normalement, et surtout nous a privé de l’eucharistie, ne serait-elle pas pour nous un peu cet exil symbolique ? Oui ! Dans la mesure où elle nous a fait prendre conscience de l’importance vitale de ce dont nous avons été privés ; dans la mesure où elle nous a donné nostalgie et désir de ce qui nous a été enlevé, dans la mesure où elle nous a aidé à remettre Dieu au centre, au cœur de notre vie ! Eh bien, si c’est le cas, alors, même si cela a été une expérience difficile, pour notre vie de foi, notre vie spirituelle elle n’aura pas été totalement inutile et seulement négative.
Pour les Israélites à Babylone et pour les contemporains de Jean Baptiste la bonne nouvelle de « Dieu qui vient », qui se penche sur son peuple, a été source de joie et de profond renouvellement dans leur vie personnelle et communautaire. Est-ce que aujourd’hui cette parole pour moi aussi est une bonne nouvelle ? Est-ce que je crois que Dieu vient me visiter, que Dieu vient et il est même déjà présent dans ma vie. Est-ce que je crois que sa présence est source de nouveauté, une opportunité pour un nouveau départ dans ma vie de foi, dans ma vie spirituelle ? Opportunité d’une nouveauté de vie, qui puisse changer mon regard déjà sur cette situation de pandémie, me libérer de mes peurs et de mes inquiétudes et me donner un regard d’espérance. « Quand vous verrez arriver tout cela, redressez-vous, relevez la tête, car votre rédemption arrive » ! S’il y a un message de la part de Dieu dans cette pandémie, le message n’est pas sa colère, ni sa volonté présumée de nous punir, comme le laissent entendre beaucoup de messages dans les réseaux sociaux… le message de Dieu est plutôt un appel à la joie et à la confiance. Un appel à changer, à renouveler, à regarder plus loin avec la certitude que Lui est à nos côtés avec son amour et sa grâce ! Il vient oui, mais il ne vient pas pour détruire, il vient pour sauver, pour nous montrer que là où nous voyons la fin de quelque chose, lui a déjà mis en marche quelque chose de nouveau !
P. Nino – Curé