« Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils » Lc 1, 3.
En cette période de l’Avent, nous célébrons la venue de Jésus. L’Avent c’est l’avènement, c’est Jésus qui vient. Nous nous rappelons qu’il est venu dans des conditions misérables lors du premier Noël. Il est venu dans un pays opprimé par une armée étrangère. Il continue à venir dans le monde tourmenté qui est le nôtre aujourd’hui. Il ne vient pas pour résoudre nos problèmes terrestres immédiats mais pour nous libérer de l’esclavage du péché qui nous détourne de Dieu.
Marie accueillit dans son corps le Fils de Dieu lui-même, rendant ainsi possible le salut de toute l’humanité. Dieu se donne à Marie en lui donnant de porter le Verbe fait chair ; Marie de son côté se donne à Dieu en acquiesçant de tout son être à ce don. Dialogue, réciprocité.
Écoutons Saint Pierre-Julien Eymard disant la même chose avec le vocabulaire de son époque :
(…) Il faut bien que vous sachiez que Notre Seigneur n’a jamais eu un paradis comme la sainte Vierge, le ciel n’a jamais été aussi agréable au Verbe fait chair que l’âme et le corps de Marie, parce que le ciel le plus parfait n’est pas le ciel créé, le ciel des anges, mais celui de Marie, Notre Seigneur y était mieux que partout ailleurs. Mais comme il était né pour les hommes, qu’il fallait souffrir et mourir, Notre Seigneur était combattu par deux amours, s’il avait été libre, il serait resté dans le sein de la très sainte Vierge ; comme son Père voulait qu’il naisse, qu’il soit sauveur, la sainte Vierge le voulait aussi. Dieu se sert souvent de sentiments contraires, qui semblent opposés : Je vous garde et je vous veux, je vous donne, et je vous donne à d’autres, que de fois nous voudrions rester aux pieds de Notre Seigneur, on est content, il faut s’en aller, l’obéissance est là, il faut laisser Dieu pour Dieu. Eh bien ! (…) il faut entrer dans les sentiments de la très sainte Vierge, aimez, priez comme elle faisait, voilà l’Avent.
Mais avez-vous, comme l’Avent, comme l’esprit de l’Avent a un écho dans la communion, la très sainte Vierge ayant le Verbe fait chair dans son sein, comme on voit bien là l’image de la communion. (…)
Voyez, (…) la communion comme elle se rapproche de l’Incarnation, ce n’est plus le Verbe incarné dans Marie, c’est Jésus-Christ qui descend dans le communiant par les mains du prêtre, pas seulement avec sa divinité, mais avec son humanité. Il vint invisible dans Marie, personne ne le vit dans son corps et dans son âme, il vient de même substantiellement, mais invisiblement comme dans Marie, c’est la même chose. Vous le voyez dans un nuage, il peut se montrer à vous par faveur, mais son état ordinaire, c’est un nuage, il continue comme dans son incarnation, ce n’était qu’un chemin pour arriver à nous, nous le recevons complet, tout entier, glorieux, triomphant, le nuage est les saintes espèces. Comme nous devons partager le bonheur de la très sainte Vierge, notre corps devient comme son vêtement, le corps de son corps. Nous le possédons comme la sainte Vierge le possédait, avec cette différence qu’il devient sensible, matériel, tangible, il est en nous pour nous communiquer ses grâces, tout ce qu’il est, nous ne le voyons pas, nous ne le sentons pas ; notre corps devient son corps, notre âme devient son âme, personne ne le voit, il n’y a que nous qui le sentons.
Que doit-il se passer ? De même que la très sainte Vierge le portait, s’offrait, nous devons le faire, nous avons le même bonheur. Il y a même quelque chose de plus, comme homme il n’avait pas encore souffert, achevé l’œuvre de la Rédemption, il est plus riche chez nous que dans la sainte Vierge, dans un sens. Que devons-nous faire, puisqu’il ne vient pas comme chez la très sainte Vierge pour en sortir, mais pour y demeurer toujours si nous ne le chassons pas par le péché ? Nous avons encore cet honneur de plus, que nous devenons sa fin, il ne vient pas en nous pour y passer, c’est pourquoi il a passé par Bethléem, par Nazareth, par le Calvaire.
Que faisait la très sainte Vierge ? Elle se recueillait. Recueillez-vous donc bien en Notre Seigneur, puisque vous êtes son tabernacle vivant, recueillez-vous en lui ; puisqu’il aime, aimez ; puisqu’il travaille, travaillez ; il est invisible, trouvez le moyen d’être avec lui, de même vous ferez l’Avent.
Nous ne pouvons plus aspirer à la naissance de Notre Seigneur à Bethléem, cela a eu lieu une fois, il y a dix-huit siècles, c’est fini, il est vrai que nous en faisons la fête, la commémoraison. Il y a eu là tant d’amour, de caresses divines, en un mot, Jésus enfant est si aimable que cela fait renaître le mystère, c’est comme si ce mystère si beau se ravivait, nous le ravivons par la foi et l’amour, pas dans le mystère qui est passé, mais dans la grâce, la vertu du mystère. Mais la pensée intime, la fin de l’Avent, c’est la naissance de Notre Seigneur. Où donc ? Dans le monde, c’est la connaissance qu’il en donne à tous les hommes. Maintenant ce n’est plus une crèche, c’est le corps de l’homme qui devient sa demeure. En nous préparant pour l’Avent, il faut le faire revivre en nous, pourquoi ? Il faut bien que nous sentions que Jésus vient en nous comme à Bethléem, avec cette différence qu’il y avait plus de souffrances, de pauvreté, mais il y a plus d’amour.
S’il a aimé la pauvreté, il faut lui dire : Je vais l’embrasser ; s’il y a une crèche, de la paille : Je vais la prendre ; afin de lui donner quoi donc ? La royauté de notre cœur, de le faire régner en nous. Mes pauvres filles, prenez donc cela, réjouissez-vous avec la très sainte Vierge, et saint Joseph qui savait tout cela et qui était si heureux d’être là le premier adorateur. On dit : Ces choses-là sont si belles, je voudrais bien les sentir. Arrosez donc bien l’arbre, mettez un peu de feu, l’amour n’est pas dans les sens, il est dans la volonté, c’est l’acte, c’est le don de soi.
(Paris, le mardi 10 décembre 1861 – PS 386,1-5).
Par Père Antoine Makela, sss